Le secteur de l’édition à Taïwan en 2018 : un timide mieux

(par Pierre-Yves Baubry)

Aimable crédit de la Bibliothèque nationale centrale

Le marché taïwanais de l’édition a poursuivi en 2018 sa stabilisation, après la forte de baisse des ventes intervenue dans la première moitié des années 2010. Si le nombre de nouveaux titres a reculé l’an dernier, le chiffre d’affaires des maisons d’édition commerciales était en passe d’augmenter légèrement, avec une offre tirée par les sciences humaines et sociales, la fiction et les livres pour enfants. Les principaux réseaux de distribution de livres ont conforté leurs positions et leur développement international, alors que de nouveaux acteurs ont fait leur apparition, notamment en ligne. Les librairies indépendantes sont par contre en repli et doivent diversifier leurs activités pour assurer leur survie.

Une production en recul, mais le numérique progresse

En 2018, selon la Bibliothèque nationale centrale qui gère les demandes de numéros ISBN, le nombre de nouveaux titres publiés à Taïwan est repassé sous la barre symbolique des 40000. Un total de 4940 entités éditoriales (pour l’essentiel des maisons d’édition commerciales mais aussi des auteurs en auto-édition et des organismes publics) ont en effet publié 39114 titres, soit environ 1 300 de moins qu’en 2017 et surtout moins que la moyenne des cinq dernières années, située autour de 39900).

S’il compte bien sûr quelques grosses maisons, le secteur taïwanais de l’édition doit aussi sa vitalité à une multitude de petites maisons et à des organismes ne publiant qu’épisodiquement. Plus de la moitié des unités éditoriales ayant demandé un ISBN l’an dernier n’ont ainsi publié qu’un seul titre, et près de 90% pas plus de 10 nouveaux titres.

Quelque 11,1% des nouveaux titres publiés l’ont été sous un format électronique, soit 4340 titres. Les formats de fichier utilisés se sont diversifiés ces dernières années, et en l’espace de trois ans, le format EPUB est parvenu à détrôner le format PDF et à représenter 80% des titres électroniques publiés.

Bond des sciences humaines et sociales

Sur l’ensemble des nouvelles parutions, des tendances à l’œuvre depuis plusieurs années s’amplifient en 2018 : en termes de nombre de titres publiés, les sciences humaines (philosophie, religion, histoire, biographies, etc.) et les sciences sociales (société, éducation, finances, droit, etc.) bondissent à nouveau au point de détrôner la fiction. A elles seules, les sciences humaines et sociales représentent désormais près d’un quart (23,7%) des titres publiés à Taïwan, une proportion qui n’était que de 13,8% en 2016. Viennent ensuite les livres pour enfants et les livres d’art.

Une forte part de traductions

Près du quart des nouveaux titres publiés en 2018 étaient des traductions. D’une manière générale, la part des traductions a tendance à augmenter ces dernières années : elle a atteint 24,4% en 2018, contre 20,9% en 2012.

Sans surprise, le japonais était l’an dernier la langue originelle de plus de la moitié (55,4%) des titres traduits. Viennent ensuite les titres originaires des États-Unis et du Royaume-Uni (un peu plus de 29% au total), ainsi que de Corée du Sud (environ 5 %). Au fil des ans, ces proportions restent globalement stables. Toutefois, les titres originaires des autres pays représentent désormais plus de 10 % des traductions, signe d’une légère diversification. On compte environ 200 titres traduits du français chaque année.

Les traductions concernent avant tout les bandes dessinées (90% des bandes dessinées publiées à Taiwan sont des traductions, quasi exclusivement depuis le japonais), les livres pour enfants (soit 38% de ce segment, avec une grande diversité d’origine) et les livres de fiction (soit 28% de ce segment, avec une forte proportion d’œuvres japonaises).

Chiffre d’affaires : un secteur toujours convalescent

Selon les statistiques de l’administration fiscale, le chiffre d’affaires des maisons d’édition a atteint un pic en 2010 à 36,7 milliards de TWD, puis a subi une chute importante jusqu’en 2015, tombant sous la barre des 20 milliards de TWD. Si les chiffres ne sont pas encore disponibles pour les derniers mois de l’année 2018, une extrapolation basée sur les dix premiers mois de l’année permet d’espérer une légère progression du chiffre d’affaires des maisons d’édition taïwanaises, lequel devrait toutefois rester inférieur à 20 milliards de TWD. Autant dire que les professionnels ne sont que modérément optimistes.

Distribution : expansion internationale, nouveaux acteurs

La librairie en ligne books.com.tw, ainsi que les chaînes de librairies Eslite et Kingstone restent les trois grands acteurs du marché. Après avoir déployé son réseau de livraison à Hongkong, Macao et Singapour, Books a étendu en 2018 son service à la Malaisie. Eslite a fermé quelques magasins à Taïwan, où il en a aussi ouvert de nouveaux (notamment à Hualien et près de la station de métro de Zhongshan à Taipei). Le groupe a aussi poursuivi son expansion en Chine. Kingstone, à la peine ces dernières années, semblent avoir stabilisé la situation.

La chaîne japonaise Tsutaya a poursuivi son implantation à Taiwan, alors que le secteur de la vente en ligne a vu fin 2017 l’arrivée du site MOMO sur le créneau des livres. 

Le nombre de librairies indépendantes continue par contre sa lente érosion. La seule vente des livres n’y permet pas toujours d’atteindre la rentabilité et leurs propriétaires inventent mille moyens (service de restauration, organisation de conférences, participation à des marchés et foires aux livres, etc.) pour assurer leur survie.

Les meilleures ventes

Il n’existe pas à Taïwan de données chiffrées centralisées sur les ventes. Les classements communiqués par les trois principales chaînes de librairies – Books, Eslite et Kingstone – servent de référence aux professionnels de l’édition, en tout cas pour les best-sellers.

Eslite a ainsi dévoilé sa liste des meilleures ventes en 2018 à Taïwan, dont voici les premières places :

  1. Origine, de Dan Brown
  2. 想把餘生的溫柔都給你 (Je veux passer le reste de ma vie à te donner de la douceur), de 不朽 (« Immortelle », blogueuse hongkongaise)
  3. 天長地久 (Pour toujours), de 龍應台 (Lung Ying-tai, écrivaine, ancienne ministre de la Culture)
  4. 阿賴耶之人狐傳奇 (La légende du renard d’Araiye), de 王薀 (Wang Yun, maître de thé taïwanais)
  5. Re-think 重新思考, de 謝貞德 (William Hsieh, entrepreneur taïwanais)

 

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