« Lettres de Taïwan » vient de souffler sa cinquième bougie. Cet anniversaire coïncide avec la parution du recueil Nouvelles de Taïwan aux éditions Magellan & Cie, un ouvrage dont Pierre-Yves Baubry, l’animateur du blog, signe l’avant-propos.
Foire du livre de Taipei 2017. Marc Wiltz, fondateur de la maison d’édition française Magellan & Cie, a fait le déplacement. Trotte déjà dans sa tête l’idée de consacrer à Taïwan un volume de la collection « Minuscules » qu’il publie, dirigée par Pierre Astier. A la table d’un restaurant de la rue de Yongkang, Jean-François Danis, alors conseiller auprès de la ministre taïwanaise de la Culture et ami de longue date de Marc Wiltz, fait les présentations. Depuis plusieurs années, j’anime le blog « Lettres de Taïwan » et passe donc, de manière largement usurpée (j’y reviens ci-dessous), pour un « spécialiste » de la littérature taïwanaise.
En quelques mots, Marc Wiltz me présente la collection « Minuscules » : celle-ci se propose de présenter un pays à travers six nouvelles d’auteurs vivants (hommes et femmes à parité), des nouvelles ouvrant à d’autres cultures, d’autres croyances, d’autres histoires. Singapour et la Malaisie figurent parmi les récentes parutions. Taïwan y a toute sa place.
Sans doute Marc Wiltz espère-t-il que je lui souffle d’emblée les noms de quelques auteurs. J’ai bien en tête ceux publiés l’année précédente dans le numéro hors-série de la revue Jentayu consacré à Taïwan, ainsi que de quelques autres traduits en français ces dernières années. Mais j’ai aussi conscience qu’ils ne représentent qu’une fraction de la scène littéraire taïwanaise contemporaine. Tels des îlots visibles à la surface, les auteurs déjà traduits en français, même s’il en est de majeurs, ne forment que la partie émergée d’une chaîne sous-marine autrement plus vaste.
Je promets à Marc Wiltz de lui faire bientôt quelques propositions, tout en lui rappelant le handicap qui est le mien : je ne lis pas le chinois dans le texte. Lecteur assidu d’œuvres littéraires taïwanaises traduites, je m’efforce de les recenser sur le blog « Lettres de Taïwan », de faire découvrir leurs auteurs, de valoriser leurs traducteurs. Reste que je ne suis pas équipé pour explorer les trésors des fonds sous-marins. Tout au plus puis-je barboter en surface et faire des bulles dans mon tuba.
C’est pourquoi je propose à Marc Wiltz et à Pierre Astier d’assembler une petite équipe de plongeuses émérites pour ramener à la surface ces fameuses « nouvelles de Taïwan ». Il y a là Chen Sih-jie (陳思潔) et Iris Lai (賴亭卉), deux amies taïwanaises francophones et amoureuses des livres, et Coraline Jortay, doctorante en littérature chinoise à l’Université libre de Bruxelles, où elle prépare une thèse, et qui se trouve alors à Taïwan pour un séjour de recherche.
Nous lançons nos lignes. Des amis sont sollicités, des lecteurs du blog contribuent en suggérant des noms d’auteurs. Ajoutant des critères à ceux exigés par l’éditeur, nous choisissons de ne retenir que des textes écrits après l’an 2000, de manière à ce que le recueil reflète le plus possible le Taïwan actuel. Soucieux d’offrir aux futurs lecteurs un panorama divers, nos questions sont nombreuses : en gage de diversité, doit-on d’emblée garantir la présence dans la sélection d’un auteur aborigène? comment rendre visible la question fondamentale de la relation des Taïwanais avec la Chine? comment illustrer les changements à l’œuvre dans la société taïwanaise?, etc.
Finalement, en concertation avec l’éditeur et le directeur de la collection, le choix s’arrête sur des nouvelles de Sabrina Huang (黃麗群), Tsai Suh-fen (蔡素芬), Tong Wei-ger (童偉格), Kan Yao-ming (甘耀明), Kao Yi-feng (高翊峰) et Ko Yu-fen (柯裕棻). Le Centre culturel de Taïwan à Paris, sollicité par l’éditeur, promet son soutien à la publication. Avec l’aide de Jérôme Bouchaud, fondateur des éditions Jentayu, les auteurs et maisons d’édition en charge des droits sont contactés, des traducteurs sont trouvés (outre Coraline Jortay, Lucie Modde, Matthieu Kolatte et Gwennaël Gaffric sont de la partie).
Plusieurs mois plus tard, je découvre les textes traduits, les parcourant tels des îlots nouvellement émergés. J’y retrouve pour partie la diversité recherchée, entre grandes villes et régions reculées, entre générations, groupes sociaux… La tonalité générale des nouvelles me surprend davantage. S’y mêlent la liberté et l’insécurité, la nostalgie d’un monde passé et l’affirmation de l’individualité… J’essaie dans l’avant-propos d’attirer l’attention des lecteurs sur ces points saillants.
Le livre paraît enfin, avec une superbe couverture signée Ma Pei-sin de l’agence Bigre.
Je ne proposerai pas ici de recension de l’ouvrage mais vous retourne la question : qu’avez-vous pensé de ces nouvelles? quelles sont celles qui vous ont touché, rebuté, dérangé, déçu peut-être? Envoyez-moi vos réactions : lettresdetaiwan@gmail.com.
Pierre-Yves Baubry