Yang Kui (楊逵, aussi transcrit par Yang Kuei), de son vrai nom Yang Gui (楊貴) est né le 18 octobre 1905 au sein d’une famille ouvrière dans ce qui est aujourd’hui l’arrondissement de Sinhua (Xinhua) de la municipalité de Tainan, dans le sud-ouest de Taïwan. Taïwan est alors une colonie japonaise et le jeune Yang Kui est scolarisé à l’école publique en langue japonaise. Alors qu’il a 10 ans, l’incident de Tapani – l’un des derniers grands soulèvements antijaponais à Taïwan – le marque profondément, tout comme le choquera la version tendancieuse qu’en livreront par la suite les historiens japonais.
En 1924, il part étudier au Japon, s’inscrit aux cours du soir du département des arts et des lettres de l’Université du Japon (Université privée Nihon), tout en travaillant la journée – il occupe divers emplois, dont celui de livreur de journaux – pour subvenir à ses besoins. Cette expérience fournira la matière à ses premières nouvelles. Alors qu’il participe également à l’action de mouvements ouvriers et étudiants, il est emprisonné en 1927 pour avoir participé à un rassemblement antijaponais organisé à Tokyo par des Coréens (la Corée était alors également colonisée par le Japon).
De retour à Taïwan la même année, il rejoint l’Association culturelle taïwanaise avant de se rapprocher des mouvements paysans et ouvriers et d’adhérer à l’Organisation paysanne de Taïwan, une activité syndicale qui lui vaut de multiples arrestations. C’est dans ce cadre qu’il rencontre Yeh Tao (葉陶), qu’il épouse en 1929 (les deux seront d’ailleurs arrêtés juste avant leur mariage lors des rafles du 12 février).
Le couple s’installe à Kaohsiung, où Yang Kui traduit des textes marxistes puis, à partir de 1932, se consacre plus complètement à la littérature. Sa nouvelle « Le Livreur de journaux », écrite en japonais sous le titre de « Shimbun Haitatsu Fu » (新聞配達夫), paraît en partie tronquée à Taïwan cette année-là, avant d’être publiée intégralement deux ans plus tard dans un journal japonais de gauche et de recevoir un prix littéraire.
Recruté en 1935 comme éditeur japonais de la revue littéraire Taiwan Bungei (臺灣文藝, « Lettres de Taïwan »), il lance l’année suivante une autre publication bilingue, Taiwan Shin Bungaku/Taiwan Xin Wenxue (臺灣新文學, « Nouvelle Littérature de Taïwan ») qui paraît jusqu’en 1937, année où les publications chinoises sont interdites par le gouvernement colonial. Atteint de tuberculose, il reçoit l’aide financière d’un policier japonais admirateur de son œuvre, ce qui lui permet de s’établir dans une ferme à Taichung et de continuer à écrire des textes marqués par un esprit de résistance.
Après-guerre, alors que Taïwan est passée sous le contrôle de la République de Chine, il est inquiété lors de l’Incident du 28 février 1947, puis arrêté en 1949 et condamné à 12 ans de prison pour avoir publié un « Manifeste pour la paix » appelant à la libération des victimes de la répression ayant suivi le 28 Février, ainsi qu’à la résolution pacifique de la guerre civile en Chine continentale. Incarcéré sur l’Île Verte à partir de 1951, il y poursuit son travail d’écriture. A sa libération en 1961, il achète un lopin de terre à Taichung où il vit en ermite jusqu’à sa mort en 1985.
« Le Livreur de journaux » a été traduit en français par Angel Pino et Isabelle Rabut et publié dans Le Petit Bourg aux papayers.
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