Publié à Taiwan en 2015, un ouvrage rassemble les dernières lettres de condamnés à mort sous la « Terreur blanche » et confie à des écrivains et universitaires la tâche de redonner leur voix à ces victimes et à leurs proches. Un livre qu’on aimerait voir traduit en français.
De 1949 à 1987, Taiwan, gouverné par le Kuomintang, alors parti unique, fut soumis à la loi martiale. La police secrète et ses informateurs étaient partout. Les emprisonnements arbitraires et la torture étaient monnaie courante, en particulier dans les années 50 où la répression fut la plus féroce.
Au cours de cette période aujourd’hui connue sous le nom de « Terreur blanche », des dizaines de milliers de personnes — militants politiques, intellectuels, représentants de l’élite taïwanaise, ou encore Chinois arrivés du continent avec le KMT et considérés comme une menace pour le pouvoir en place — furent emprisonnées, et pour certaines exécutées. Avant leur exécution, des centaines d’entre elles rédigèrent des lettres d’adieux à leurs proches, des messages poignants qui le plus souvent ne parvinrent pas à leurs destinataires et restèrent des dizaines d’années durant ensevelies dans les archives.
A partir du milieu des années 80, Taiwan entreprit une transition démocratique et les victimes de la Terreur blanche et leurs proches purent témoigner, après des années de silence. L’Etat entreprit une démarche de dédommagement des victimes, sans toutefois que toute la lumière soit faite sur les circonstances de leur arrestation et de leur condamnation. En 2007, des partisans d’une véritable « justice transitionnelle », lassés de l’inaction de l’Etat, fondèrent l’Association de Taiwan pour la vérité et la réconciliation (TATR).
Considérant ces lettres de condamnés comme des pièces importantes de l’histoire nationale, la TATR a invité six intellectuels taïwanais à restituer les parcours de leurs auteurs et les conséquences de cette répression pour leurs proches. Ainsi rendues à la vie, les histoires de ces victimes plongent le lecteur dans le contexte de l’époque, tout en encourageant la réflexion sur le silence collectif qui a suivi ces épisodes de violence politique à Taiwan.
Publié en 2015 aux éditions Acropolis, à Taipei, Last Will Undelivered (無法送達的遺書:記那些在恐怖年代失落的人) comprend les récits de Lin Chuan-Kai (林傳凱), historien spécialisé dans l’étude de la Terreur blanche, Lin I-cheng (林易澄), doctorant en histoire à l’Université nationale de Taiwan, Hu Shuwen (胡淑雯), journaliste, féministe et écrivaine, Yang Mei-hung (楊美紅), journaliste, éditrice et écrivaine, Lo Yuchia (羅毓嘉), journaliste et poète, et Chen Zong-yan (陳宗延), sociologue et éditorialiste.
Les auteurs ont bénéficié des conseil d’historiens et ont pu interviewer les proches encore vivants des victimes, les textes conjuguant dans un style d’une grande modernité la singularité des histoires personnelles et des éléments de contexte nécessaires à la compréhension de ces parcours tragiques. Qui plus est, chaque récit est accompagné de photographies des victimes et de leur famille, ainsi que de la lettre testamentaire ou de la correspondance des victimes. L’ouvrage a remporté un prix Golden Tripod en 2016 (prix d’Etat récompensant le secteur de l’édition), un prix du Salon du livre de Taipei la mmm année, ainsi que le prix China Times Open Book en 2015.
Aperçu multimédia en mandarin : http://www.books.com.tw/activity/2015/02/letter/index.html
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