Auteurs : Thierry Jousse & Thierry Paquot
Cahiers du cinéma, 2005
ISBN : 9782866424114
Pourquoi y a-t-il des villes qu’on a envie de filmer et pas d’autres ? Pourquoi y a-t-il des films qui, plus que d’autres, font rêver les architectes et les urbanistes au point de les inspirer pour leur propre travail ? Je n’ai pas de réponse définitive à ces deux questions mais, pour autant, elles me semblent, elles aussi, sous-tendre, avec une nécessité impérieuse, cette encyclopédie. Qu’est-ce qui donne envie de filmer une ville ? Est-ce la perception directe qu’on peut en avoir à un moment de sa vie ? Ou au contraire un film ou plusieurs qui d’un seul coup déterminent une attirance irrépressible pour une ville ? […] C’est « Sueurs froides » qui a donné à Chris Marker l’envie d’aller filmer San Francisco dans « Sans soleil » (1982), mais sans doute ce désir tient-il aussi à l’étrange topographie de cette ville toute en montées et descentes. Et quand Hou Hsiao-hsien filme Tokyo dans « Café Lumière » (2004), son film en hommage à Ozu, quelle ville enregistre-t-il exactement ? Le fantôme de celle d’Ozu ou au contraire celle qu’il a humée au fil de ses séjours dans la capitale japonaise ? La même question pourrait être posée à Bertolucci pour « Le Dernier Tango à Paris » (1972) : est-ce la ville de la Nouvelle Vague qu’il photographie ou celle qu’il a choisi comme ville d’adoption à une époque de sa vie ? De la même façon, pourquoi Lang, Godard, Tati, Wenders, Ridley Scott (essentiellement pour Blade Runner, 1982) sont-ils si influents auprès des architectes ?[…] Peut-être, simplement, certains cinéastes sont-ils aussi, entres autres choses, un peu urbanistes, un peu architectes, un peu géographes… C’est aussi là ; dans ce territoire incertain et crucial où les arts s’entrechoquent, se vampirisent, se contaminent, que se joue la question de la ville au cinéma. C’est aussi cela, cette attirance réciproque qui fait les rencontres fructueuses, qui justifie l’existence de cette encyclopédie, La ville au cinéma.