Auteur : Li Ang [李昂]
Traduction : Alain Peyraube & Hua-fang Vizcarra
Titre chinois : 《殺夫: 鹿城故事》
Denoël, 2004
ISBN : 9782207255889
Présentation de l’éditeur :
Au lendemain de la guerre, la famine sévit à Taïwan. En échange de quelques livres de viande, la famille Lin unit Lin Shi au lubrique boucher de Chencuo. Les voisins ironisent : c’est fort d’être parvenu à troquer le maigre corps de la jeune fille contre des kilos et des kilos de viande. Jalousée pour les avantages alimentaires qu’est censée lui procurer sa situation, Lin Shi supporte les tortures que lui inflige son époux, Chen-le-tueur-de-porcs. Mais jusqu’où résistera-t-elle ? Placé sous le signe de la mort et de la fatalité, Tuer son mari de Li Ang joue sous nos yeux une tragédie moderne : l’histoire d’une soumission et d’une révolte. Tendu comme un piège, ce roman emprisonne ses lecteurs, comme son héroïne, dans une spirale infernale. L’idéogramme d’un crime.
Lorsque Lin Shi s’arrêta de gémir, elle était au bord de l’évanouissement, mais Chen Jiangshui, en véritable connaisseur, se hâta de lui verser du vin dans la gorge. Irritée par l’alcool, elle se réveilla brusquement, et tout en demeurant dans un état second, elle bredouilla qu’elle avait faim. Il alla prendre un morceau de gras de porc, avec la couenne, et enfouit le tout dans la bouche de Lin Shi. Elle se mit à mâcher bruyamment ; la graisse dégoulinait sur les commissures des lèvres, le long du menton, jusqu’au cou, devenu aqueux, luisant et visqueux. Des larmes aussi apparurent au coin de ses yeux et coulèrent bientôt sur ses tempes, ce qui lui donna une certaine sensation de froid.
待靜止下來,林市幾乎昏死過去,陳江水倒十分老練,忙往林市口中灌酒,被嗆著的林市猛醒過來,仍昏昏沈沈的,兀自只嚷餓。陳江水到廳裡取來一大塊帶皮帶油的豬肉,往林市嘴裡塞,林市滿滿一嘴的嚼吃豬肉,嘰吱吱出聲,肥油還溢出嘴角,串串延滴到下顎、脖子處,油濕膩膩。這時,眼淚也才溢出眼眶,一滾到髮際,方是一陣寒涼。
Note bibliographique :
L’ouvrage, premier du genre, aborde sans ambages le tabou du viol conjugal dans un monde paysan dur et superstitieux, où les mots ne blessent pas moins que les mains. Dans Tuer son mari, la pauvre Lin est abusée par son mari autant qu’elle l’est par ses voisins. Le style est sec, agressif, et les premières pages nous laisse dans l’impatience : à quand la mort du boucher ?
Pourtant, loin de se soucier des attentes de son lecteur, Li Ang les trompe : la scène du meurtre est dépeinte avec une pudeur déconcertante et l’auteure ne nous permet ni d’aimer trop Lin, dont l’intelligence offre peu d’espace à l’identification, ni de haïr complètement un mari, certes violent, mais au passé douloureux… En somme, la véritable violence ne saurait se limiter au récit.
Note bibliographique établie par David Rioton.
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