La Poésie des librairies : un troisième opus qui ravive le charme

« La démarche documentaire est fondamentalement liée au fait de filmer ce qui est en train de disparaître, mais aussi ce qui apparaît «, notait le Centre Pompidou à l’occasion du cycle « A l’œuvre. Être(s) au travail ». Le réalisateur taïwanais Hou Chi-jan [侯季然] aurait pu prononcer ces mots, tant ils s’appliquent à son approche des « êtres au travail » que sont les libraires indépendants et des lieux qu’ils font vivre à Taiwan. 

Après La Poésie des librairies [書店裡的影像詩], documentaire en deux saisons (2014 et 2016) qui avaient chacune dressé le portrait de 40 librairies indépendantes taïwanaises, Hou Chi-jan s’est remis à l’ouvrage. 

Présenté en juin 2025 en sélection officielle du 27e Festival du film de Taipei, La Poésie des librairies: Quelque part où je me sens chez moi [書店裡的影像詩:停駐與穿越] poursuit ce « tour de Taiwan » des librairies indépendantes avec 15 nouvelles vignettes de quelques minutes chacune – un format déjà adopté pour les deux premiers opus.

A l’intérieur de ce cadre temporel contraint, Hou Chi-jan évite toute précipitation, laissant le calme d’une matinée sans client envahir l’écran, saisissant les interactions précieuses entre un libraire-professeur et ses jeunes élèves, ou donnant à un couple de libraires le temps d’exposer leur projet d’un lieu dédié à leur fils. Ici, le regard s’arrête sur des piles de livres ou d’objets, là, il vagabonde à l’extérieur, suivant les activités organisées par les libraires dans leur quartier.

On retrouve dans ce troisième volet la douceur, le regard à la fois respectueux et curieux, et l’humanisme qui avaient suscité notre enthousiasme au point d’organiser le sous-titrage en français de la première saison. A nouveau, on est frappé par la grande diversité des trajectoires de ces Taïwanaises et Taïwanais s’étant lancés dans l’aventure de l’ouverture d’une librairie. On saisit aussi certains changements en cours.

Une dizaine d’années a passé depuis les deux premières saisons et, par petites touches, Hou Chi-jan documente un monde en évolution. Beaucoup des librairies filmées au milieu des années 2010 n’existent plus et certains de leurs propriétaires ne sont plus de ce monde. Dans ce troisième volet, on compte aussi davantage de librairies ouvertes en campagne ou dans de petites villes. Et on en découvre deux, ouvertes ces dernières années à Taiwan par des Hongkongais.

Revenu à la charge, Hou Chi-jan n’épuise pas son sujet. Il le magnifie.

Pierre-Yves Baubry

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